Sororité. Si le terme figure depuis des siècles dans les dictionnaires, il a fallu attendre le mouvement féministe des années 1970 pour qu’il soit usité et conceptualisé. La sororité se situe « hors de la foi chrétienne, de la structure familiale, de toute domination masculine. Une relation horizontale, sans hiérarchie ni droit d’aînesse. [...]. Un rapport de femme à femme, ni fille ni mère, égalitaire », résume Chloé Delaume en introduction à Sororité (2021).
La sororité peut être un choix anticapitaliste dangereux : elle relègue le pouvoir individuel au second plan pour nourrir la force collective. Elle est un combat constant contre la tendance qui règne à faire disparaître les femmes : « il s’agit d’imposer cette voix collective, en la considérant comme une manière d’échapper à la disparition. [...] Elle s’impose comme force tranquille et intranquille, constante, qui part de la noirceur pour rejoindre la lumière », explique Mikella Nicol dans son mémoire (2018). La sororité est à la fois une réaction face aux violences imposées aux femmes et un mouvement d’émancipation, de légitimation et de refus de tomber dans la fosse. Être reconnue par-delà le système qui asservit, s’inventer une place par résonance dans un écosystème qui se fonde sur la disparition. La sororité comme ultime façon d’apparaître.
Les textes et les œuvres de ce numéro construisent des moments, des instants de sororité qui jouent des limites mêmes de la notion. Ils réactualisent, voire déplacent les lieux communs pour réfléchir à des formes de sororité actuelles, représentatives des enjeux relationnels qui engagent dans des dynamiques parfois de division, de confrontation, de tension, parfois d’allers et retours, mais toujours dans une volonté d’explorer à la fois les possibles d’une résistance et d’une communauté d’appartenance.
Avec la plus grande des vulnérabilités, les autrices et les auteurs de ce numéro plongent dans la sororité par une multitude de brèches. Les artistes, quant à elles et eux, semblent penser la dissension, illustrer une désolidarité qui prend forme au cœur même des structures sororales souhaitées et accomplies. Des communautés de corps mouvants s’enchevêtrent pour exprimer des formes alternatives de pouvoir.
Auteur·rice·s : Juliette Bernatchez, Irma Bouchard, Sarah Boutin, Simon Brown, Laurence Gagné, Kari Guillemette, Véronique Guyaz, Catherine Anne Laranjo, Judith Lefebvre, Jonathan Reynolds, Laurence Veilleux
Artistes : Kimberley de Jong, Lindsay Katsitsakatste Delaronde, Geneviève Thibault, Eric Tschaeppeler, Anouk Verviers, Leila Zelli
Ancrages : Laia Moreto Alvarado, Eva Quintas
Entretiens : Mikella Nicol (Anne-Marie Duquette) et Anne-Marie Proulx (Noémie Fortin).
Plage de prix : 8.00€ à 16.95€