ARCHIVER LE FUTUR

Re-documenter par la marge et le transitoire

L’exposition Archiver le futur : re-documenter par la marge et le transitoire prend pour point de départ une fouille exhaustive dans les différents documents et dossiers conservés dans les bureaux du Sabord. Ces derniers ont témoigné de la production de la revue trifluvienne depuis sa fondation en 1983 : ils sont composés de 124 numéros ainsi que de dossiers de presse, de correspondances manuscrites, de documents dactylographiés ou imprimés, de renseignements financiers, de photographies, etc. Au-delà d’une transcription de la mémoire du périodique, l’exposition a permis à quatre artistes et écrivain·e·s en résidence, soit Simon Brown, Isabelle Gagné, Gabriel Mondor et Maude Pilon, de révéler – par des gestes performatifs – et d’interroger la manière dont les archives ont le potentiel de devenir des matériaux pour la création. Pour ce faire, ils et elles ont ouvert les archives et les ont fait revivre par l’annotation, le commentaire, la transcription, la transmutation, la transsubstantiation, l’écoute, en les regardant autrement. Ils et elles ont surtout partagé et rendu publique une nouvelle vision issue de l’existence matérielle du passé du Sabord.

Décloisonnée et démantelée dans Archiver le futur, l'archive s’émancipe de son rôle de conservation d’un contexte culturel, d’un lieu devenu institution, de la notion d’héritage, de la mémoire et du souvenir, ainsi que des évidences et des vérités, d’un passé ayant fait autorité. Elle s’inscrit dans une démarche de réflexion sociale et politique ; elle est l’objet d’une recherche, voire une recherche-création, qui met l'accent sur des valeurs poétiques, culturelles, sociopolitiques, économiques et historiques. Elle est détournée de son sens par les artistes de l’exposition, dans l’optique de provoquer des lieux de rencontre et d’échanges, des moments de réflexion, pour réaliser de nouvelles lectures.

L’exposition permet de repenser les récits qui ont façonné les histoires du périodique. Précisément parce que les œuvres investiguent le caractère foncièrement lacunaire des archives, elles montrent l’impossibilité de la reconstitution. Depuis les informations manquantes, les œuvres présentent ce qui semble avoir eu lieu, et ce qui semble ne pas avoir eu lieu. Elles révèlent surtout les méthodes circonstancielles de classement et d’organisation des faits qu’on invente pour s’offrir une mémoire, elle aussi nécessairement circonstancielle. Les œuvres publiées dévoilent par les manques et les failles des micro-récits, des histoires furtives, des bribes et des amorces de narration. Ce travail a été l’occasion d’interroger l’inédit et de former de nouveaux discours aux préexistants.

Les recherches individuelles et collectives des quatre artistes d’Archiver le futur ont révélé que l’histoire de la revue n’est en rien monolithique : elle est constituée de multiples perspectives selon l’équipe d’employé·e·s qui en a formé l’identité à un moment spécifique. Au-delà d’une vision actualisée de l’archive, les propos des œuvres de l’exposition se tournent vers l’avenir du Sabord. Les créateur·rice·s de cette exposition, garant·e·s de ces nouvelles archives construites, interrogent ce que nous devrions maintenant préserver, ce que nous devrions retenir de ces récits présents et futurs.

Commissaires de l’exposition | Karine Bouchard, en collaboration avec Ariane Gélinas et Anne-Marie Duquette

Artistes et écrivain.·e·s | Simon Brown, Isabelle Gagné, Gabriel Mondor et Maude Pilon

La version finale de texte est issue des échanges, des discussions et des réécritures entre les différent·e·s collaborateur·rice·s de l’exposition Archiver le futur.

*Cette exposition a été réalisée dans le cadre du 40e anniversaire du Sabord.